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Sortie du 22 mai 2022 : le rêve de Benoît

Dimanche 22 mai, 19 degrés Celsius, 14 tandems, 2 signaleuses et LA libellule. Je ne sais pas pourquoi, mais je la sens bien cette sortie-ci. Tout le monde semble de bonne humeur et en pleine forme. Avant de monter en selle, notre bien-aimée présidente rassemble ses ouailles. Comme à son habitude, elle souhaite la bienvenue aux nouveaux (trois, aujourd’hui), elle cadre le peloton et cale l’organisation : ce midi les croque-monsieur seront surclassés en croque-madame pour le même prix, et les lasagnes seront servies avec de la salade. On sent qu’elle aime ce qu’elle fait.

Quant à moi, je fais un petit topo de la sortie : j’annonce un petit raidillon au km 4 et deux côtelettes en fin de parcours. Le reste sera du quasi-Ravel.

La plupart d’entre nous sont déjà bien rodés avec deux sorties dans les jambes. Le départ annoncé pour 10:00 s’effectue finalement à 10:15. Nous commençons par le classique passage au Beau Vallon (où personne ne veut s’arrêter) et la descente vers la chaussée de Gembloux. Mais au lieu de nous laisser aller sur Saint-Servais comme d’habitude, nous remontons plein nord. Après la traversée de Bovesse et Saint-Denis c’est la belle campagne namuroise qui nous accueille. Voici des petits chemins comme je les aime : sans trous et avec très peu de circulation. Le petit vent du sud qui nous pousse sur le trois-quarts arrière n’est pas fait non plus pour me déplaire. Tout cela garde le peloton fort groupé que c’est un plaisir d’en être le capitaine.

À notre arrivée sur le carrefour de la nationale à Gembloux le feu se met au vert comme par magie. Un peu plus loin c’est en un vigoureux coup de pédale double que nous traversons le Nil. A cette saison, ses berges sont verdoyantes et prometteuses de belles récoltes. Encore quelques kilomètres et nous atteindrons bientôt le relais de midi : Louvain la Neuve.

C’est par le zoning que nous entrons en ville. En ce jour férié, il n’est guère fréquenté et nous avons tout le loisir de nous regrouper pour traverser la N4. Une fois le rond-point passé, dans mon rétro je vois arriver un tandem qui en jette : ceux-là, ils ont l’air de vrais sportifs ! Deux mêmes maillots aux couleurs vives, des casques profilés, woaw ! Le tandem se prépare à nous dépasser à vive allure, mais quand il arrive à la hauteur du peloton, la grande fraternelle des tandémistes namurois l’accueille avec tant force cris et acclamations de bienvenue que c’est finalement debout sur les freins qu’il s’arrête à ma hauteur et s’aligne sur notre vitesse. Ce sont deux femmes. Elles s’alignent sur nous c’est beaucoup dire, parce j’observe qu’elles roulent freins serrés. La pilote s’en explique : « Ainsi, nous continuer l’entraînement » et elle se présente : elle s’appelle Monsieur. Mais alors, sa copilote c’est Griet Hoet ? Oui, c’est bien elle ! Herself ! Nous sommes impressionnés.

Quelle belle surprise ! L’occasion est unique de les rencontrer. Je les invite à se joindre à nous pour la pause, ce qu’elles acceptent cordialement. L’information circule rapidement jusqu’en queue de peloton, et tout de suite Robert demande à être assis à côté de Griet. La présidente va encore avoir du travail pour organiser tout cela.

Bientôt, il ne reste plus que quelques centaines de mètres à parcourir avant d’arriver à la brasserie que Colette a réquisitionnée. A l’entrée de la place, une quinzaine d’étudiants en T-shirt rouge s’écartent pour laisser passer notre peloton. Arrivés à leur hauteur, c’est même une haie d’honneur qu’ils nous font en criant « Hourrah pour Cyclo-Cœur, Hourrah ! » Woaw ! Quel accueil ! Tout de suite ils se proposent de s’occuper de garer nos tandems. Une jeune fille fort affable nous invite à nous diriger vers la table qu’ils ont préparée pour nous. « Installez-vous confortablement et restez assis, vous êtes nos hôtes ». Décidément, nous allons de surprise en surprise. Le service est impeccable : dans les cinq minutes chacun a son verre, et un quart d’heure plus tard les assiettes de croque-madame, de lasagnes, d’américain-frites et autres gourmandises arrivent toutes ensemble devant chacun de nous. Sans erreur de casting ! Etonnés d’abord, éblouis ensuite, tous nous remercions à la fois Dieu, Allah, Jupiter et Vishnou de nous offrir un tel confort. Emportés par l’émotion, Lorenzo et Pascal proposent de tout de suite réélire notre présidente pour un mandat de dix années supplémentaires.

Une fois les ventres remplis, l’ambiance devient festive, d’autant qu’un second verre vient rapidement s’aligner derrière le premier. Catherine proteste, en disant qu’elle a oublié son portefeuille, mais l’étudiant qui la sert lui ordonne « Profitez, c’est offert ». Woaw !

Après son deuxième verre, il prend l’envie à Big Moustache de négocier un échange de poste avec Nadia. Si elle veut bien conduire Libellule à sa place, il s’engage à faire la vaisselle toute la semaine. Mais elle, elle veut qu’il continue à faire les manœuvres en marche arrière et elle exige une semaine de repassage en plus. Dur, dur.

À côté de nous, y a des types qui boivent, des rigolos, des tout rougeauds qui s'esclaffent et qui parlent haut. Et la bière, on nous la sert bien avant qu'on en redemande. Bref, au cinquième verre une communicative joie inonde les coeurs et les rires fusent de partout. Cette ambiance rappelle à Jean ses années d’unif, et ce souvenir illumine son visage d’une émotion radieuse. Lui aussi se souvient de l’affaire Fonske. C’est là que la statue avait été rescellée, à dix mètres de la terrasse où nous sommes en train de ripailler. Toute la ville s’était bien amusée de cette facétie étudiante.

Définitivement, cet endroit est le meilleur spot de Louvain la Neuve au mois de mai. Bien à l’abri du vent, le soleil nous caresse généreusement tandis que nous épanchons la soif à venir. Dame, à tant parler et rire il ne faudrait pas que nous en arrivions à cracher de la poussière. Dans ces circonstances, de quoi pourrions-nous bien nous plaindre ? Je cherche, cherche, cherche…

En bout de table, j’entends Robert demander à Griet comment faire pour rentrer dans la section seniors de l’équipe paralympique. Je comprends qu’il voudrait s’attaquer au record de l’heure. Un papillon jaune fluo vole de l’un à l’autre. C’est Colette qui recueille les inscriptions pour la prochaine sortie. Vu le succès qu’elle récolte, la question se pose : le club aura-t-il assez de tandems ?

Seule Françoise semble d’humeur plus égale. Je m’en inquiète. Y aurait-il un gros souci technique sur un des tandems ? « Mais non », me dit-elle, « c’est juste que la ville ne me dépayse pas ». Oublie, lui dis-je, et profite de la grâce qui passe.

De la grâce, il en vient encore au moment de l’addition. Quand Colette veut régler la note, le barman proteste. Nous apprendrons plus tard que tout était discrètement offert par Carmeuse. Merci ! Merci pour tout !

Après deux heures d’un tel régime, à regret il faut bien nous remettre en route si on veut être à l’heure au train de 16:30. De dominicaux plaisirs repus, nous prenons congé de nos étudiants en les remerciant plus que chaleureuse­ment pour leur magnifique accueil et leur disponibilité.

Griet et sa copilote se proposent de nous accompagner pendant quelques kilomètres. Elles s’excusent de ne pouvoir rester plus longtemps parce qu’elles doivent être de retour à Bruges avant 17h, et on leur annonce un vent de face à partir d’Alost.

En tête du peloton, je donne le signal de départ. En entrant sur la place j’avais bien remarqué qu’il y avait un potelet à éviter. Mais en sortant ça m’était complètement sorti de la tête. Ouille, ouille, aïe !

C’est là que je suis tombé de ma chaise, Colette criant dans mon oreille : « Benoît, Benoît, réveille-toi, il est temps de repartir ».

Ah oui ! Je me rappelle, maintenant. C’est à Maredsous que nous sommes.

J’ai dû m’assoupir dans le brouillard, bercé par le ronron d’une meute de Harley-Davidson qui a couvert le brouhaha du troupeau de ménapiens qui entoure notre table…

Allez, courage, encore deux bonnes heures et nous serons de retour à Lustin.

30 avril 2022

Benoît Wauthy